Point mode été 2024 : un lin européen ultra désirable

Parmi les tendances mode de l’été, on peut citer la « tomato girl », cette fille romantique qui adore flâner sur les marchés de la méditerranée, et dont le vestiaire se compose de robes ou de jupes sensuelles en fibre libérienne. Le « quiet luxury », tendance de fond qui met à l’honneur l’esthétique d’un luxe discret a également hissé au panthéon du chic décontracté le tailoring version lin, avec des costumes, des pantalons, des gilets masculins déclinés dans une palette de coloris neutres. Côté coloration capillaire, le « linen blond » s’inspire quant à lui des belles nuances de beige issues des écheveaux de fibres...
Clou du spectacle ? Le défilé Zegna printemps-été 2024 dont le décor se composait de 192 balles de fibres brutes acheminées de Normandie et dont la collection comptait 70% de lin. Une déclaration d’amour à cette matière qu’Alessandro Sartori, le directeur artistique de la maison italienne décrit comme « la légèreté même de vivre et de s’habiller ». Preuve s’il en fallait que le lin aimante l’inspiration des créateurs comme les aspirations de l’époque.

Le Lin européen et ses nouveaux territoires d’expression

Bien sûr, la fibre libérienne est un modèle d'authenticité et de mode engagée dans une démarche responsable, à la fois traçable et cultivée localement (la France, la Belgique et les Pays-Bas concentrent les trois quarts de la production mondiale). Mais elle possède surtout des qualités intrinsèques - à la fois légère, absorbante, thermorégulatrice, en un mot confortable - qui séduisent de plus en plus les jeunes générations. « J’aime le lin parce que c’est une matière qui réagit presque de la même manière que le papier japonais « washi », explique Satoshi Kuwata, le fondateur du label Setchu qui imagine un tailoring unisexe et luxueux. L’autre raison c’est qu’il est l’un des tissus les plus anciens créés par l’homme et qu’il a été utilisé aussi bien par les peintres de la Renaissance que des designers de meubles et des architectes. Le lin est une matière sans frontières. Et puis chaque fibre est tellement unique et durable. C’est une matière très belle à regarder mais aussi très pratique à utiliser ». Redécouvert par les créateurs et les consommateurs, le lin s’impose donc de plus en plus dans le paysage et sur les podiums de la mode et conquiert de nouveaux territoires d’expression.

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^{Photos ci-dessus défilé Chloé}

C’est ce que révèle une étude réalisée par le cabinet Kéa pour Alliance for European Flax-Linen & Hemp sur l’état et les perspectives de la fibre textile sur le marché du prêt-à-porter et de la décoration. Cette dernière mesure la part croissante du lin dans les collections, tous niveaux de gamme confondus. Par exemple, en 2021 la fibre a représenté jusqu’à 10% de l’offre de marques comme Max Mara, Jacquemus, Galeries Lafayette ou Le Slip Français et jusqu’à 5% pour des marques de luxe comme Chanel, Balmain, Chloé ou Hermès. Elle pénètre désormais tous les segments du marché grâce à des marques ambassadrices comme Chloé, Icicle, Uniqlo ou Massimo Dutti. Fait nouveau : le lin ne se limite plus à la traditionnelle chemise mais touche toutes les typologies de produits, ce qui ouvre considérablement ses champs d’expression. Il est désormais utilisé dans le domaine des sous-vêtements en maille, mais aussi sur des pièces de outerwear comme des trenchs en gabardine de lin voire dans l’outdoor, se glisse dans l’univers urbain grâce au streetwear qui apprécie à la fois son confort et sa tenue.

Evangéliser les équipes créatives au Lin

Pourtant, il reste encore quelques freins à l’expansion de la fibre dans la mode. Lors de la table ronde organisée à l’occasion de la sortie de notre étude, Alexandre Capelli, directeur adjoint à l’environnement du groupe LVMH, témoignait de sa difficulté à aller convaincre les équipes créatives d’utiliser du lin, jugé peu « sexy », dans les collections. Aujourd’hui pourtant, la mue de la fibre est en marche pour tenter de séduire des marques de plus en plus exigeantes en termes de matières mais aussi de prix. Ainsi, à côté des mélanges lin et coton plus accessibles, se développent des associations luxueuses avec de la soie ou de la laine. Car loin de se limiter à l’été, la fibre joue également aujourd’hui la carte de l’automne-hiver. Ce n’est sans doute pas un hasard si le roi du cachemire italien, Loro Piana, a racheté sa compatriote Solbiati, considérée comme la marque de lin la plus appréciée en Italie, pour élargir notamment son offre estivale.

^{Photo ci-contre défilé Jacquemus}

Afin de parer aux intempéries, le lin se pare désormais d’enductions bio-sourcées, d’effets membranes qui lui offrent une polyvalence dans la ville comme en pleine nature. Pour l’hiver 2024 par exemple, les filateurs et tisseurs ont cherché à développer les propriétés thermiques naturelles de la fibre pour créer des enveloppes cosy et protectrices. Ainsi le casualwear et le homewear deviennent de plus en plus élégants, ennoblis par des compositions au luxe authentique lin-cachemire ou lin et alpaga. Les finitions jouent les effets grattés, duveteux, tandis que le velours apporte son luxe moelleux. Le lin, matière résiliente ?

C’est certain. Car au-delà de l’aspect créatif, « cette fibre est surtout la seule matière qui permet, explique Alexandre Capelli, d’atteindre tous les objectifs de la stratégie durable de LVMH, à savoir : « la créativité circulaire, la traçabilité et la transparence, la biodiversité et le climat ». Alors que le secteur de la mode doit faire face à de nombreuses transformations en matière de RSE pour répondre aux attentes des consommateurs : produire mieux en limitant le gaspillage, informer en toute transparence… Le lin s’avère donc un précieux allié dans ces nouveaux défis. D’autant que l’Europe déploie actuellement une stratégie concernant l’économie circulaire avec des réglementations qui vont modifier profondément la filière.

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^{Photos ci-dessus défilé Louis Vuitton}

Le lin messager de la création

Si l’Alliance propose aux créatifs des outils concrets pour découvrir toutes les potentialités du lin, qu’il s’agisse de webinars, de books de tendances ou le Linen dream Lab, un espace dédié à l’inspiration et au sourcing de matières, elle souhaite également s’adresser au grand public. A travers notamment des événements. Ainsi, en février dernier dans le cadre de « Paris à Poil(s) », une animation orchestrée par la Samaritaine en clin d’œil à l’exposition « Des cheveux et des poils » présentée au MAD, les vitrines du grand magasin ont été rhabillées avec 42 kilomètres de fibres de lin européen transformées en perruques végétales géantes. Publié en septembre aux éditions Actes Sud, le livre Le lin, fibre de civilisation(s) réinscrit également la fibre millénaire dans le patrimoine culturel de l’humanité.

L’Alliance a également à cœur de soutenir les jeunes générations de créatifs et de leur transmettre sa passion, notamment à travers un partenariat avec le Festival International de mode, de photographie et d’accessoires de Hyères dont la 38^ème édition s’est tenue en octobre dernier et a vu triompher le belge Igor Dieryck, triple lauréat. L’Alliance soutient aussi la Design Parade, présidée cette année par un amoureux du lin, Noé Duchaufour-Lawrence et dont les lauréats 2023 ont montré eux aussi un intérêt très fort pour cette matière. C’est le cas notamment du français Clément Rosenberg qui a drapé des tentures du tisseur Libeco mais aussi une étoffe de Biofib’Isolation (un producteur d’isolant en fibre de lin) à l’effet matelassé afin de reproduire un cocon pareil à celui dans lesquels les larves de cigales se développent durant plusieurs années, avant de sortir de terre. Encore une preuve que le lin peut s’avérer aussi la meilleure façon de passer l’hiver.

^{Photo ci-contre look Igor Dieryck - jeune créateur de mode belge - Festival de la mode d'Hyères}