De la rigueur du Premier Empire à la sobriété de la IIIe République, en passant par le luxe bourgeois de la monarchie de Juillet ou le faste du Second Empire, le lin a fait sa révolution industrielle. Une révolution qui portera sa démocratisation autant que ses mutations techniques et esthétiques.
Après la Révolution française, le mode de la robe légère de la fin du 18e siècle se perpétue, notamment sous l’influence des Merveilleuses et des Incroyables, ce groupe de jeunes gens qui, après les troubles de la dernière décennie, choisit de surjouer l’élégance et l’extravagance. Dans les salons parisiens, on les voit ainsi déambuler, vêtues de robes à l’antique en lin blanc immaculé et quasiment transparent.
Cependant, avec le retour de l’ordre sous le Consulat (1795-1799) et le Premier Empire de Napoléon Bonaparte (1804-1814), c’est aussi la morale et la pudeur qui ressurgissent.
Le corset revient, comme la chemise en lin qui retrouve son rôle premier : protéger le corps et surtout le couvrir. Cette chemise évolue cependant dans sa forme, avec une encolure carrée et des manches courtes, et se fait moins extravagante que sous l’ancien régime.
Un usage du lin qui se perpétuera tout au long du 19e siècle, jusque dans les jupons volumineux des années 1830-1840. Il en est de même sous le Second Empire (1852-1870) avec la création de la crinoline : une jupe « cage » légère, en osier ou en acier, recouverte d’une toile fine composée de crin de cheval et de lin ; les deux matières qui lui donneront son nom.
Mais le 19e siècle est aussi celui de la Révolution industrielle. Avec elle, la production de lin subit des transformations majeures. Les métiers à tisser mécaniques et les nouvelles techniques de filature augmentent la production et réduisent les coûts. Ce qui rend le lin plus accessible à une plus grande partie de la population. Le lin tissé est ainsi utilisé pour une grande variété de vêtements.
L'industrialisation permet également de développer de nouvelles techniques de blanchiment moins onéreuses, mais aussi de créer des tissus en lin mélangé avec d'autres fibres. Ceci offre de nouvelles textures et de nouvelles propriétés.
Chez les hommes, le lin est ainsi adopté par l’ensemble des classes sociales. Le monde ouvrier qui se développe au cours du 19e siècle, comme les paysans et les travailleurs des champs, choisissent de porter le lin au quotidien pour sa résistance et son confort. Il s’agit d’un lin souvent teint, notamment en bleu (d’où le terme « col bleu »), que l’on retrouve sous forme de chemises, de pantalons et même de sous-vêtements.
De son côté, le vestiaire masculin de la haute société aristocratique et bourgeoise tend à devenir de plus en plus sobre, jusqu’à l’adoption du costume de tailleur à l’anglaise, composé d’une veste ajustée, d’un pantalon et d’une chemise blanche. Plus cette dernière est immaculée, plus le statut social est important.
Le lin se trouve alors de plus en plus concurrencé par d’autres matières, et notamment par le coton plus facile à produire et moins coûteux. Ce sera le cas pour la chemise. À l’origine en lin, d’une forme assez large en T et percée d’un trou pour passer la tête, cette chemise se sophistique au fil des décennies jusqu’à arborer des boutons et boutonnières raffinés, et des cols et plastrons amidonnés. La souplesse du lin et sa propension à se froisser deviennent des désavantages, et le coton tend progressivement à gagner du terrain.
De la même façon, la veste est désormais souvent confectionnée en laine ou en soie. Grâce à ses qualités de résistance, de douceur et de souplesse, le lin est alors utilisé différemment, en sous-couches : en doublure pour protéger le corps des frottements, ou en entoilage pour garantir la bonne tenue du vêtement.
Du point de vue de la mode, le lin s’impose toujours comme la matière incontournable du luxe, pour les costumes d’été, plus légers, comme pour les vêtements de sport et de loisir, dont la pratique se développent au sein de la haute société dans la seconde moitié du 19e siècle.
Quant à la dentelle, elle disparaît totalement de la garde-robe masculine avec Napoléon 1er qui en décrète un usage exclusivement féminin. Néanmoins, la mécanisation et l’industrialisation du secteur vont permettre de réaliser de plus grandes quantités de matière en un moindre temps, avec une main d’œuvre plus réduite. Reproduisant les gestes des dentellières sur des machines, grâce à des métiers à tisser spécialement adaptés, l’industrie dentellière française connaît ainsi son apogée à la fin du 19e siècle et au tournant du 20e siècle
Si cette dentelle intègre, elle aussi, progressivement le coton, d’un point de vue stylistique, c’est toujours le lin qui l’emporte. La mode est en effet aux dentelles crème. Qu’importe la matière pourvu que le rendu est un aspect ancien, jauni, vieilli ou « lin ». On n’hésite pas à teinter chimiquement le coton ou la laine pour imiter le fil écru du lin qui reste la référence esthétique en matière de dentelle.
Si l’ère industrielle a permis la diffusion du lin au plus grand nombre, le 20e siècle sera, pour la fibre séculaire, celui de tous les défis, face à une concurrence accrue des nouvelles matières synthétiques et à la révolution des modes de consommation.
Le 20e siècle : des textiles synthétiques au renouveau du Lin
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